Traversée

Traversée
Moon, Leonid Tichkov

vendredi 17 avril 2015

Parties du livre

Comme je l'ai mentionné sur ma note d'intention, je compte diviser le livret en plusieurs parties relatives aux rites de passage de la vie, je vais donc publier ces grands titres avec vous :
  • Naissance : baptême, rite de protection.
  • Âge de Vénus : communion, initiation à la prière, cordon brahmanique.
  • Adolescence et rites de puberté : cryptie, circoncision, tatouage, scarification, excision, rite de fertilité, quête de vision, pédérastie, genpuku et mogi.
  • Âge adulte : mariage, bizutage, conscription, sacrement, boukout, seijin shiki.
  • Mort et rites funéraires : inhumation, crémation, embaumement, immersion en mer, culte des morts.
Sources : http://www.lagouvernance.fr/les-jeunes-et-les-rites-de-passage-dans-les-societe-traditionelles/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sacrement
http://fr.wikipedia.org/wiki/Boukout
http://anthropobiocosmologie.wifeo.com/rites-dhier-et-daujourdhui.php
http://fr.wikipedia.org/wiki/Rite_de_passage
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9d%C3%A9rastie
http://www.stage-chamanisme.com/quete-vision.html
http://www.cosmovisions.com/$Hindouisme-Sectes.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mariage
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bapt%C3%AAme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Conscription
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kryptie
http://fr.wikipedia.org/wiki/Genpuku
http://fr.wikipedia.org/wiki/Seijin_shiki
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mort
http://fr.wikipedia.org/wiki/Rite_fun%C3%A9raire
http://jfbradu.free.fr/egypte/LE%20PHARAON/le-pharaon19.php3


Recherche typographique

Je choisis d'utiliser la police Helvetica comme typographie du livret, et cela pour diverses raisons. Nous avons récemment eu un cours sur la nouvelle typographie internationale suisse avec Guillaume Frauly, et cela m'a beaucoup inspirée.
L'une des caractéristiques de cette police de caractère est la neutralité et la clarté, sans oublier l'harmonie optique de l'Helvetica qui me sera nécessaire dans la mise en page du livret sur le thème de la Traversée. Cela me permettra de me concentrer sur le fond du texte et non pas la forme sans pour autant oublier la beauté graphique du document.

Affiche de l'Helvetica Neue

Pour plus d'information sur Helvetica, voici la page Wikipedia et le reportage qui m'a inspirée ce choix.

Variantes de l'Helvetica



Sources : https://www.youtube.com/watch?v=t__AN6d8FWQ
http://imgkid.com/helvetica-typography-poster.shtml
http://www.google.com/imgres?imgurl=http://www.croque-pixel.com/wp-content/uploads/2013/06/HelveticaNeue.jpg&imgrefurl=http://www.croque-pixel.com/probleme-de-compatibilite-avec-helvetica-neue-sur-chrome&h=359&w=600&tbnid=iIecqEuZShQUoM:&zoom=1&docid=TmrgqFQSMqzJfM&ei=GcIwVdi6FNbWarb7gZgN&tbm=isch&ved=0CCQQMygDMAM


mercredi 8 avril 2015

Modification sur la note d'intention

Passage transcendant 

Bonjour à toutes et à tous,
Je publie aujourd'hui un bref post pour vous donner les dernières nouvelles concernant mon projet. Le livret sera constitué de 24 pages sur les rites de passages dans les diverses parties essentielles de la vie dont la jeunesse, la mort...
La modification que je porte à ma note d'intention est que les images qui vont venir illustrer les textes seront des photographies que je vais prendre moi-même dès cette semaine. Je compte aussi intervenir sur ces photographies avec de l'encre de chine, de l'acrylique... Les prochaines publications vont être sur ma recherche typographique (quelques idées en tête à approfondir) et quelques unes des photos que je vais faire.

A très bientôt,
FZ.

Source image : http://www.google.com/url?sa=i&source=images&cd=&ved=0CAYQjhw&url=http%3A%2F%2Fblog.athos99.com%2Ftag%2Fdssi-cssi%2F&ei=kKUlVZ7PIoP1UIqEhIAP&psig=AFQjCNEyrYRVn1Q90Y1Oa3NoJptZq8V3bg&ust=1428616976624081

mercredi 18 mars 2015

Note d'intention

Suite à la recherche effectuée durant les derniers mois sur le thème de la Traversée et plus particulièrement les rites de passages, je pense réaliser pour projet personnel final un fascicule.
L'idée est de créer un livret en format paysage, dédié à un essai sur les rites de passage des temps modernes que je vais rédiger moi même.
Ce livret contiendra une vingtaine de pages, la reliure que je vais utiliser est la reliure allemande (cousu et collé). Je compte aussi réaliser quelques illustrations et photographies pour accompagner ce texte. Les mediums que je vais utiliser afin de réaliser les illustrations seront sans doute de l'encre de chine, de la gouache, aquarelle, feutre... Le tout sera travaillé sur le logiciel InDesign afin de le mettre en page et Photoshop pour retoucher les photographies et peut être aussi les illustrations.
Vous pourrez suivre l'évolution de ce projet, vu que je publierai au fur et à mesure des extraits, des esquisses, croquis, photographies... J'espère de tout coeur que le résultat réponde à mes attentes, et aux vôtres.

mercredi 11 mars 2015

La kryptie

      Le sujet d'aujourd'hui est un rite de passage ancien pratiqué par les Spartiates (habitants de Sparte). Mais avant de parler de ce rite, il nous est important de parler de l'éducation Spartiate afin de comprendre l'origine et l'utilité d'un tel rite au sein de cette communauté. L'éducation Spartiate était essentiellement guerrière et militaire : l'Etat veut former, par un dressage extrêmement rigoureux, des soldats obéissants et endurants. La vertu suprême n'est plus l'exploit individuel mais le dévouement de l'individu capable de se sacrifier pour donner à sa patrie une gloire immortelle.
Dès sa naissance, la robustesse de l'enfant est mise à l'épreuve, il n'aura le droit de vivre que si l'Etat l'en juge digne. Jusqu'à l'âge de sept ans, il ne s'agit pas encore d'éducation mais d'élevage, l'enfant est laissé aux femmes. Les garçons sont ensuite embrigadés successivement dans diverses organisations paramilitaires, sous la direction du pédonome (délégué par l'Etat à l'éducation).
A partir de douze ans, les jeunes hommes vivent entièrement en collectivité ; cette obligation ne s'arrêtera qu'à trente ans, âge auquel l'homme peut enfin prendre ses repas et dormir chez lui. Tandis que leur apprentissage intellectuel se limite à quelques rudiments de lecture et d'écriture, ils sont soumis à un entraînement physique et guerrier de plus en plus rigoureux au fur et à mesure qu'ils grandissent. Les épreuves d'endurance que subissent les éphèbes sont souvent très cruelles : insuffisance des repas (on les encourage à dérober de la nourriture pour développer en eux hardiesse et ruse), flagellation, épreuve de la cryptie... 


La kryptie (ou cryptie) qui, en grec ancien, veut dire « cacher, se cacher, dissimuler » est une épreuve de l'initiation spartiate durant laquelle les jeunes gens vivent solitaires dans la campagne, survivant par leurs propres moyens. Elle ne se rattache pas à l’agôgè, le « dressage » à la spartiate à proprement parler, puisque celui-ci concerne les enfants (paides) alors que la kryptie s'adresse aux jeunes (neoi).
Dans Les Lois de Platon, le Spartiate Mégillos énumère les différents types de vertus pratiquées dans sa cité. Après les repas en commun (syssities), la pratique de la gymnastique et la chasse, il cite « l'endurance à la douleur ». Parmi les exercices destinés à l'acquérir, il évoque les rixes, la fête religieuse des Gymnopédies et la kryptie :
« Il y a aussi ce qu'on appelle la kryptie, exercice prodigieusement pénible et propre à donner de l'endurance, et l'habitude d'aller nu-pieds et de coucher sans couverture en hiver, celle de se servir soi-même sans recourir à des esclaves, d'errer la nuit comme le jour à travers tout le pays. »
Une scholie du passage de Platon insiste avant tout sur l'aspect éprouvant et solitaire de l'épreuve :
« On envoyait un jeune hors de la ville, avec consigne de ne pas être vu pendant tel laps de temps. Il était donc forcé de vivre en parcourant les montagnes, en ne dormant que d'un œil, afin de ne pas être pris, sans avoir recours à des serviteurs ni emporter de provisions. C'était aussi une autre forme d'exercice pour la guerre, car on envoyait chaque jeune homme nu, en lui enjoignant d'errer toute une année à l'extérieur, et de se nourrir à l'aide de rapines et d'expédients semblables, cela de manière à n'être visible pour personne. C'est pourquoi on l'appelait kryptie : car on châtiait ceux qui avaient été vus quelque part. »
De même, Plutarque rattache à Aristote la description suivante :
«Voilà en quoi consistait la kryptie. Les chefs envoyaient de temps à autre les jeunes qui leur semblaient les plus intelligents dans différents endroits du pays : on ne leur donnait rien, sauf des poignards et des vivres. Le jour, ils se dispersaient dans des endroits secrets et y demeuraient cachés sans bouger ; la nuit, ils descendaient sur les routes et ils égorgeaient les Hilotes qu'ils pouvaient capturer. Souvent aussi ils parcouraient les champs et tuaient les plus robustes et les plus forts.»
Les textes ne s'accordent pas sur le caractère solitaire ou non de l'épreuve, ni sur son niveau de sévérité (avec ou sans vivres ou nourriture). Compte tenu de la difficulté de l'expérience, elle est probablement réservée aux jeunes gens les plus aguerris. Il est certain que tous ne réussissaient pas l'épreuve : le scholiaste de Platon indique bien qu'« on châtiait ceux qui avaient été vus quelque part. » Les vainqueurs intégraient peut-être les Hippeis, l'élite de l'armée civique, mais cela n'est pas certain.
Edmond Lévy (1988) distingue deux étapes dans la kryptie : tout d'abord une sélection, puis une utilisation des kryptes, ceux qui ont réussi, contre les Hilotes, voire à la guerre : Plutarque mentionne dans sa Vie de Cléomène des éclaireurs kryptes lors de la bataille de Sellasia.
L'objectif de l'épreuve est également peu clair. Le scholiaste de Platon en fait un entraînement à la vie militaire. Koechly (1835) et Wachsmuth (1844) ont pu rapprocher ainsi la kryptie des peripoloi athéniens. Henri Jeanmaire y voit plutôt un rite d'initiation comparable à ceux existant dans les sociétés secrètes : hommes-loups et hommes panthères d'Afrique noire. Il observe ainsi que « toute l'histoire militaire de Sparte proteste contre l'idée de faire de l’hoplite spartiate un rampeur de brousse, un grimpeur de rochers et de murailles. »
De ce point de vue, la kryptie peut être rattachée à la notion, dégagée par Arnold van Gennep (comme cité dans l'article précédent), de rite de passage en trois phases successives : exclusion, inversion, intégration ; le jeune initié est de fait exclu du groupe auquel il appartient, amené à vivre dans les conditions inverses qui seront les siennes en tant que citoyen, puis, citoyen de plein droit, intégré à la communauté adulte. C'est la seule manière pour son clan de l'accepter en tant qu'homme à part entière. J'ai choisi ce rite parce qu'il est ancien et regroupe tout les éléments nécessaires pour comprendre la logique qui régit les rites de passage : le plus souvent, c'est afin d'appartenir, de devenir membre d'un clan-groupe-Etat, afin de gagner sa place et de prouver son obédience. Le volet historique est maintenant clos sur le blog, non pas qu'il n'y ait pas d'autres exemples, très pertinents d'ailleurs, de rites de passage, mais les rites que j'ai envie de partager avec vous sont tous encore présent, que ce soit en Afrique noire, en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou chez le citoyen moderne de nos jours. 

Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Rite_de_passage
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kryptie
http://www.antiquite.ac-versailles.fr/educatio/edspart.htm
http://jbmarchand.org/2012/11/13/la-chute-de-sparte-et-ladolescence/

mardi 24 février 2015

Rites de passage : définition et études

Bonjour chers lecteurs,
J'ai déjà parlé dans un article précédent sur mon intention de me consacrer aux rites de passage dans les différentes cultures qui pour moi ont tout les éléments principaux pour mieux comprendre la symbolique de la traversée. Cette dernière, donc, sera plus symbolique que physique. Je ferais de mon mieux de m'acquitter de cette tâche qui n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air vu le grand nombre de folkloristes, sociologues, chercheurs et philosophes qui ont consacré leurs travaux à cette étude, parmi eux je cite Arnold Van Gennep, Max Gluckman, Mary Douglas, Victor Turner, Michèle Fellous...

Définition et études faites sur le sujet :


Un rite de passage est un rite marquant le changement de statut social ou sexuel d'un individu, le plus généralement la puberté sociale mais aussi pour d'autres événements comme la naissance ou la ménopause. Le rituel se matérialise le plus souvent par une cérémonie ou des épreuves diverses.
Le "rite de passage" se distingue du "rite initiatique" en cela qu'il marque une étape dans la vie d'un individu, tandis que le rite d'initiation marque l'incorporation d'un individu dans un groupe social ou religieux: le premier touche indistinctement tous les individus d'un même sexe tandis que le second les sélectionne.
Ces rites permettent de lier l'individu à un groupe, à une communauté, mais aussi de structurer sa vie en étapes précises qui lui permettent d'avoir une perception apaisante de la condition mortelle de l'homme. Ils participent à la symbolisation du monde pour le rendre plus familier, d'où leur caractère pacifiant et soulageant. Ce phénomène est donc un enjeu important pour la relation entre l'individu et le groupe, mais aussi pour la cohésion du groupe en question.
Le premier à étudier le phénomène est l'ethnologue-folkloriste Arnold van Gennep (Les Rites de Passage, 1909). Selon ce dernier, le rite de passage se déroule le plus souvent en trois étapes suivant un modèle spatial : il y a analogie entre l'entrée ou la sortie par rapport à un groupe et le franchissement d'un seuil ou d'une frontière. Souvent un franchissement réel est inclus dans une cérémonie ; ainsi, pour un mariage, celui du seuil de la maison. Le cœur de la démonstration concerne les rites de changement d'état et de statut : grossesse, naissance, initiation, mariage et mort.

Les phases des rites de passage selon Van Gennep


Les trois phases dont parle Van Gennep sont les suivantes :

  • la séparation : elle a pour but de séparer et d'isoler l'individu du groupe (équivaut à une mort symbolique)

  • la marge appelée est aussi phase de marginalisation ou encore phase liminaire  (moment ou s'effectue l'efficacité du rituel, à l'écart du groupe, avec souvent des rites d'inversion) : la mise en marge représente une sorte de gestation symbolique

  • l'agrégation appelée aussi phase de réintégration ou postliminaire (retour dans le groupe) : on incorpore le sujet à un état nouveau, c'est une renaissance symbolique

D'après ces recherches préliminaires, il me semble clair que les trois phases des rites de passages miment, d'une façon ou d'une autre la naissance. Avant de naître, nous sommes séparés physiquement du monde qui nous entoure, du groupe auquel on appartiendra plus tard. C'est la phase première. Pendant l'accouchement, la mère endure des peines atroces qui peuvent mener jusqu'à sa mort ou celle de son enfant, c'est les épreuves, la gestation, le rite en question: car pour venir au monde, ou mériter une place au sein d'un groupe donné, il faut surmonter ces peines. Après la naissance, l'enfant est né: il appartient au groupe. Mais ceci s'applique surtout à la femme enceinte, si elle réussie cette tâche, elle gagne en statut vu qu'elle a enduré une épreuve qui met en risque sa vie et celle de son enfant. Mais ceci reste bien évidemment qu'une lecture personnelle de ses étapes qui pourrait tout aussi bien être erronée.
Le schéma ternaire des rites de passage fonctionne comme un idéal-type, il est donc forcément réducteur et on a reproché à Van Gennep d'avoir étendu cette catégorie à un trop grand nombre de rites, où l'enchaînement n'est pas toujours aussi visible ni convaincant. Marcel Mauss parlera de ce livre comme d'"une randonnée à travers l'histoire et l'ethnographie". Ce schéma a cependant l'avantage de rendre compte de la fonction sociale des rites : assurer le passage, la traversée, d'un statut à un autre en imposant une coupure sociale sur un processus biologique continu.
D'autres théories furent développées dans les années 1960 par Mary Douglas et Victor Turner. Ce dernier mettra l'accent sur le fonctionnalisme des rites de passage en matière de cohésion sociale. En transformant les statuts sociaux de façon prédéfinie, les rites de passage permettent d'éviter les conflits d'influence.
Les auteurs Geoffrey Miller, Ian Steward et Jack Cohen, indiquent aussi que les rites servent également à détecter ceux qui ne sont pas suffisamment soumis au groupe pour les subir. Ces derniers sont alors conduits à chercher la protection d'un autre groupe (qui ne les pratique pas, ou sous une forme moins contraignante), 'épurant' ainsi le groupe initial de ses éléments jugés peu sûrs. La circoncision par exemple est considérée par eux comme une forme socialement et religieusement très importante de rite, car elle teste et met en exergue la soumission des parents plus encore que celle des enfants. Je parlerais de circoncision plus en détail dans les articles qui suivent sur quelques exemples de rites de passage dans les diverses cultures de la préhistoire à nos jours. Car bien que l'on observe une diminution des rites de passage solennels (de type religieux notamment), on constate qu'un nombre beaucoup plus grand de rites moins codifiés et beaucoup plus systématiques les remplacent comme le bizutage, les remises de diplômes...

Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Rite_de_passage
http://www.scienceshumaines.com/les-rites-de-passage_fr_12946.html



vendredi 30 janvier 2015

La traversée de l'en bas


Le livre dont je vais vous parler aujourd'hui s'intitule "La traversée de l'en-bas" écrit par Maurice Bellet. M.B. a pu côtoyer dans sa pratique de psychanalyste, de philosophe, de prêtre aussi, ce qu'il peut y avoir de monstrueux dans la vie des humains, et peut-être le plus noir : le mépris pour soi, jusqu'à la haine et au goût de se détruire. Tout en bas est bien entendu relatif à un en haut, à une plénitude supposée, un plein de sens. Quelle figure ce dernier peut-il prendre pour qui est englué, pensée et actes, conscience et instincts, dans la honte, la haine et la peur ? Pour l'auteur, chacun passe au cours de sa vie par ce qu'il nomme l'en-bas : la déchéance, l'inavouable, le monstrueux, la dépression, la trahison, la folie, le meurtre, l'exclusion, la maladie ou la détresse. Mais ces situations peuvent être l'occasion d'une création et d'un rapprochement avec les autres, et cette fonction ne doit pas être évacuée de la vie humaine. A travers les critiques, le résumé et les extraits que j'ai lu de ce livre, je pense que c'est un bouquin que je voudrais beaucoup lire, d'autant plus la vive relation avec le thème de traversée.
La dépression, la trahison, l'inavouable, la vie broyée, la déchéance, la folie, le meurtre, l'exclusion, la maladie : voilà l'en-bas selon l'écrivain. En chacun de nous, des portes dérobées donnent plus ou moins sur ces arrière-cours. Vivre se fait dans la traversée de ces abîmes ou se défont beaux discours et belles spiritualités. Il y a pourtant de l'humain dans ces régions-là. Et rêver de passer à côté ou au-dessus d'elles fait sortir de la condition humaine et mène au pire. En ces bas-fonds une création peut commencer et l'on devient proches les uns des autres. La grande tâche est d'éduquer des humains capables de supporter le chaos intérieur, la vie sans repères dans un paysage inconnu, la marche sans arrêt dans l'équilibre. Désormais, le seul Dieu que nous pouvons supporter n'est pas celui des hauteurs mais celui qui descend dans l'en-bas. C'est là que doit advenir ce qui met fin à l'inhumain ou nous sommes. Une parole, un geste, une lueur. Alors peut commencer la traversé de l'en-bas. Voilà un livre décapant pour tenir dans les jours sombres, loin des marchands de bonheur et d'illusions. 

Voici un extrait du livre de Bellet que je trouve très intéressant :


"Si vous glissez de l'en bas, le monde où vous habitez disparaît, les ennemis et compagnons se dissolvent dans la nuit. Et l'on ne revient pas. Seul espoir - au delà de tout espoir : traverser. Car c'est ici la mort de toute sagesse, de toutes les sagesses et cultures et traditions du monde. Toutes, elles ne parlent que pour ceux d'en haut, ceux qui montent, ceux qui aspirent, ceux qui savent - et leur non-savoir lui-même est la suprême science. Ils sont nobles. Les sages, les saints, les héros, les penseurs, les créateurs, les hommes de bonne volonté. Toute leur humilité, toute leur modestie n'y change rien. Même s'ils disent, pieusement, qu'au contraire ils descendent, qu'ils sont de plus en plus pauvres, démunis, déliés de tout avoir et de tout savoir, allons, allons, ils sont tout de même sur la bonne voie, ils sont tout de même du bon côté. Mais l'en bas est déchéance. L'être humain réduit là se connaît méprisable, défait, hors chemin, maudit. Il est dans l'inavouable. Il est dans une des cases maudites : la folie, la décrépitude, le crime, l'échec (le grand, la vie ratée), le mensonge. Même si l'on a pitié de lui, c'est une pitié armée et défensive : il ne s'agit pas de glisser en bas - là ou il vit. Qui est en bas ? Qui le sait ? Il y a tant de beaux édifices avec quelque part, dans une arrière-cour, la porte dérobée qui donne sur cette cave-là. [...] Peuple étrange, où peuvent se rencontrer ceux et celles qui sont apparemment les plus opposées : les grands privilégiés et les plus démunis. Ceux qui ont de quoi manger, se loger, se vêtir, se soigner, et qui ont une foi, l'amitié et l'amour, la pensée, l'oeuvre bonne. Et ceux à qui tout cela manque. Pourtant proches : ils habitent l'en bas. Oui, même ces privilégiés, si, au cœur de leur vie, il y a cette part secrète où ils communient à la détresse innommable. Et les plus démunis, en revanche, peuvent jusqu'en la pire détresse communier à ce je-ne-sais-quoi qui surpasse toute idée, toute image, tout discours, mais fait que, à s'approcher d'eux, on est touché de la lumière. Proches ! Ils peuvent dire "nous' sans mentir. C'est un peuple sans nom, sans patrie, sans drapeau. Ils portent l'énergie formidable qui naît en bas lorsque l'humain de l'humain émerge de la grande mort - prodigieuse naissance. C'est un genre d'hommes, hommes et femmes, littéralement revenus de la mort : ils y ont goûté, elle les a transpercés : quelque chose est advenu, qui est impérissable. Le vieux rêve d'immortalité, dont toutes les figures ont disparu, prend chair en cette humanité, hors de tout savoir et de toute prétention. Appui sans appui, fermeté qui ne tient à rien, grand vide où tout peut venir à fruit. Le signe, le fruit, le geste, c'est cette tendre et inguérissable douceur de la plus que compassion et du plus que pardon, cette étrange et divine douceur plus forte que le plus fort alcool, plus dure au combat que les héros d'Homère. Car c'est un combat, c'est une lutte âpre et sans merci. Et c'est douleur. Tout demeure de l'en bas. Et le fruit de la traversée, c'est d'en donner une perception aiguë, intolérable. Ah, comme il faudrait que tout soit autrement ! Et que nous soyons autres ! Mais la paix profonde doit demeurer, sous les vagues et sous l'ouragan. Ce peuple-là, nous autres, les revenants des terres froides, pour les justes et les savants, nous sommes des gens étranges, des barbares, des incompréhensibles qui parlons une langue qu'ils ne comprennent pas. Serions-nous le sel de la terre ? Voilà bien une prétention qui nous fait rire. Et pourtant, il est vrai que, comme le sel, nous donnons du goût - à la vie? Ô toi, qui que tu sois, si profond soit l'en bas, si dure la déréliction, si humiliant ton vice, si triste et sans but la vie qui te reste à finir de vivre, si du moins tu gardes en l'espace le plus secret de ton cœur, là-même où tu ne sais pas, un peu de cette lumière, un peu de cet espoir qui te sépare de la grande mort, un désir, un amour obscur, une foi sans mot sans visage, si du moins commence en toi (sans même que tu le saches) la lointaine aurore d'humanité, alors, frère, sœur, tu es des nôtres."La traversée de l'en-bas, pp. 12-13 : 153-156


Sourceshttp://www.franceculture.fr/oeuvre-la-travers%C3%A9e-de-l-en-bas-de-maurice-bellet.html
http://www.amazon.fr/Travers%C3%A9e-len-bas-Maurice-Bellet/dp/222748666X
http://belletmaurice.blogspot.com/2013/02/la-traversee-de-len-bas.html
http://www.nrt.be/fr/La-travers%C3%A9e-de-l%27en-bas-recension-6757