Traversée

Traversée
Moon, Leonid Tichkov

mercredi 18 mars 2015

Note d'intention

Suite à la recherche effectuée durant les derniers mois sur le thème de la Traversée et plus particulièrement les rites de passages, je pense réaliser pour projet personnel final un fascicule.
L'idée est de créer un livret en format paysage, dédié à un essai sur les rites de passage des temps modernes que je vais rédiger moi même.
Ce livret contiendra une vingtaine de pages, la reliure que je vais utiliser est la reliure allemande (cousu et collé). Je compte aussi réaliser quelques illustrations et photographies pour accompagner ce texte. Les mediums que je vais utiliser afin de réaliser les illustrations seront sans doute de l'encre de chine, de la gouache, aquarelle, feutre... Le tout sera travaillé sur le logiciel InDesign afin de le mettre en page et Photoshop pour retoucher les photographies et peut être aussi les illustrations.
Vous pourrez suivre l'évolution de ce projet, vu que je publierai au fur et à mesure des extraits, des esquisses, croquis, photographies... J'espère de tout coeur que le résultat réponde à mes attentes, et aux vôtres.

mercredi 11 mars 2015

La kryptie

      Le sujet d'aujourd'hui est un rite de passage ancien pratiqué par les Spartiates (habitants de Sparte). Mais avant de parler de ce rite, il nous est important de parler de l'éducation Spartiate afin de comprendre l'origine et l'utilité d'un tel rite au sein de cette communauté. L'éducation Spartiate était essentiellement guerrière et militaire : l'Etat veut former, par un dressage extrêmement rigoureux, des soldats obéissants et endurants. La vertu suprême n'est plus l'exploit individuel mais le dévouement de l'individu capable de se sacrifier pour donner à sa patrie une gloire immortelle.
Dès sa naissance, la robustesse de l'enfant est mise à l'épreuve, il n'aura le droit de vivre que si l'Etat l'en juge digne. Jusqu'à l'âge de sept ans, il ne s'agit pas encore d'éducation mais d'élevage, l'enfant est laissé aux femmes. Les garçons sont ensuite embrigadés successivement dans diverses organisations paramilitaires, sous la direction du pédonome (délégué par l'Etat à l'éducation).
A partir de douze ans, les jeunes hommes vivent entièrement en collectivité ; cette obligation ne s'arrêtera qu'à trente ans, âge auquel l'homme peut enfin prendre ses repas et dormir chez lui. Tandis que leur apprentissage intellectuel se limite à quelques rudiments de lecture et d'écriture, ils sont soumis à un entraînement physique et guerrier de plus en plus rigoureux au fur et à mesure qu'ils grandissent. Les épreuves d'endurance que subissent les éphèbes sont souvent très cruelles : insuffisance des repas (on les encourage à dérober de la nourriture pour développer en eux hardiesse et ruse), flagellation, épreuve de la cryptie... 


La kryptie (ou cryptie) qui, en grec ancien, veut dire « cacher, se cacher, dissimuler » est une épreuve de l'initiation spartiate durant laquelle les jeunes gens vivent solitaires dans la campagne, survivant par leurs propres moyens. Elle ne se rattache pas à l’agôgè, le « dressage » à la spartiate à proprement parler, puisque celui-ci concerne les enfants (paides) alors que la kryptie s'adresse aux jeunes (neoi).
Dans Les Lois de Platon, le Spartiate Mégillos énumère les différents types de vertus pratiquées dans sa cité. Après les repas en commun (syssities), la pratique de la gymnastique et la chasse, il cite « l'endurance à la douleur ». Parmi les exercices destinés à l'acquérir, il évoque les rixes, la fête religieuse des Gymnopédies et la kryptie :
« Il y a aussi ce qu'on appelle la kryptie, exercice prodigieusement pénible et propre à donner de l'endurance, et l'habitude d'aller nu-pieds et de coucher sans couverture en hiver, celle de se servir soi-même sans recourir à des esclaves, d'errer la nuit comme le jour à travers tout le pays. »
Une scholie du passage de Platon insiste avant tout sur l'aspect éprouvant et solitaire de l'épreuve :
« On envoyait un jeune hors de la ville, avec consigne de ne pas être vu pendant tel laps de temps. Il était donc forcé de vivre en parcourant les montagnes, en ne dormant que d'un œil, afin de ne pas être pris, sans avoir recours à des serviteurs ni emporter de provisions. C'était aussi une autre forme d'exercice pour la guerre, car on envoyait chaque jeune homme nu, en lui enjoignant d'errer toute une année à l'extérieur, et de se nourrir à l'aide de rapines et d'expédients semblables, cela de manière à n'être visible pour personne. C'est pourquoi on l'appelait kryptie : car on châtiait ceux qui avaient été vus quelque part. »
De même, Plutarque rattache à Aristote la description suivante :
«Voilà en quoi consistait la kryptie. Les chefs envoyaient de temps à autre les jeunes qui leur semblaient les plus intelligents dans différents endroits du pays : on ne leur donnait rien, sauf des poignards et des vivres. Le jour, ils se dispersaient dans des endroits secrets et y demeuraient cachés sans bouger ; la nuit, ils descendaient sur les routes et ils égorgeaient les Hilotes qu'ils pouvaient capturer. Souvent aussi ils parcouraient les champs et tuaient les plus robustes et les plus forts.»
Les textes ne s'accordent pas sur le caractère solitaire ou non de l'épreuve, ni sur son niveau de sévérité (avec ou sans vivres ou nourriture). Compte tenu de la difficulté de l'expérience, elle est probablement réservée aux jeunes gens les plus aguerris. Il est certain que tous ne réussissaient pas l'épreuve : le scholiaste de Platon indique bien qu'« on châtiait ceux qui avaient été vus quelque part. » Les vainqueurs intégraient peut-être les Hippeis, l'élite de l'armée civique, mais cela n'est pas certain.
Edmond Lévy (1988) distingue deux étapes dans la kryptie : tout d'abord une sélection, puis une utilisation des kryptes, ceux qui ont réussi, contre les Hilotes, voire à la guerre : Plutarque mentionne dans sa Vie de Cléomène des éclaireurs kryptes lors de la bataille de Sellasia.
L'objectif de l'épreuve est également peu clair. Le scholiaste de Platon en fait un entraînement à la vie militaire. Koechly (1835) et Wachsmuth (1844) ont pu rapprocher ainsi la kryptie des peripoloi athéniens. Henri Jeanmaire y voit plutôt un rite d'initiation comparable à ceux existant dans les sociétés secrètes : hommes-loups et hommes panthères d'Afrique noire. Il observe ainsi que « toute l'histoire militaire de Sparte proteste contre l'idée de faire de l’hoplite spartiate un rampeur de brousse, un grimpeur de rochers et de murailles. »
De ce point de vue, la kryptie peut être rattachée à la notion, dégagée par Arnold van Gennep (comme cité dans l'article précédent), de rite de passage en trois phases successives : exclusion, inversion, intégration ; le jeune initié est de fait exclu du groupe auquel il appartient, amené à vivre dans les conditions inverses qui seront les siennes en tant que citoyen, puis, citoyen de plein droit, intégré à la communauté adulte. C'est la seule manière pour son clan de l'accepter en tant qu'homme à part entière. J'ai choisi ce rite parce qu'il est ancien et regroupe tout les éléments nécessaires pour comprendre la logique qui régit les rites de passage : le plus souvent, c'est afin d'appartenir, de devenir membre d'un clan-groupe-Etat, afin de gagner sa place et de prouver son obédience. Le volet historique est maintenant clos sur le blog, non pas qu'il n'y ait pas d'autres exemples, très pertinents d'ailleurs, de rites de passage, mais les rites que j'ai envie de partager avec vous sont tous encore présent, que ce soit en Afrique noire, en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou chez le citoyen moderne de nos jours. 

Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Rite_de_passage
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kryptie
http://www.antiquite.ac-versailles.fr/educatio/edspart.htm
http://jbmarchand.org/2012/11/13/la-chute-de-sparte-et-ladolescence/